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Re-fertiliser des sols :
une première pour un site industriel !

Pour pouvoir planter des végétaux dans un site industriel, en leur offrant un substrat suffisamment vivant pour un plein épanouissement, soit on amène de la « bonne » terre d’ailleurs pour la déposer en surface, ce qui est la pratique courante, soit on procède à la re-fertilisation des sols en place. Cette 2e option relève d’une démarche de sobriété encore rare dans le milieu industriel. Mais USIN est à l’avant-garde dans bien des domaines y compris celui de la place donnée au végétal. Christophe Cottarel, architecte paysagiste chez Nymphea (maîtrise d’œuvre des aménagements d’USIN), Valentin Donda, conducteur de travaux, et Cathy Béclère, responsable commerciale chez Chazal (l’entreprise paysagiste missionnée pour la mise en œuvre), nous expliquent le processus de re-fertilisation qui vient de démarrer sur le site cet automne et qui doit durer deux ans.

 

Les composts, chargés d’amender la terre, sont issus de circuits courts. Très courts même, puisque l’un d’entre eux est produit par les Alchimistes Lyon, locataires d’USIN.

Comment re-fertilise-t-on les sols d’un site industriel ?

Christophe Cottarel : Il s’agit d’abord de dénicher le plus possible de terre encore utilisable et d’en analyser les caractéristiques physico-chimiques et biologiques par prélèvements. 2 900 m3 ont pu être « récupérés ». Pour donner un ordre de grandeur, cela équivaut à un volume de 145 camions de déménagement de 20 m3 chacun ou de 32 semi-remorques. Une belle prise pour un sol plutôt pauvre. Les échantillons de cette terre ont été analysés afin d’en identifier les carences et préparer les amendements nécessaires sous la forme de compost et d’engrais verts. Nous avons choisi d’utiliser trois types de compost différents. Tout d’abord, celui des Alchimistes Lyon, locataires d’USIN en tant que producteur de compost issu des déchets alimentaires de la restauration locale, soit 80 m3. Comme nous cherchions à travailler en circuit court, ils étaient tout désignés pour remplir cette mission. Viennent ensuite 430 m3 de compost issu de la plateforme de déchets verts Racine, située à moins de 10 km d’USIN et 50 m3 de fumier provenant d’un centre équestre à Meyzieu, lui aussi proche du site.

Valentin Donda : Les terres, délimitées en fonction du phasage du site, ont ensuite été terrassées en surface pour être mélangées aux différents composts préalablement étendus sur les sols ; ce qui a permis de sauvegarder les micro-organismes présents dans les 20 premiers cm du sol. Puis, pour le stockage le temps des aménagements du site USIN, ces mélanges ont été modelés de façon à former des merlons ne dépassant pas 1 m d’épaisseur et suffisamment aérés pour permettre au microbiote de se développer. Enfin, fin octobre, les merlons ont été couverts de semis de Phacélie, de Moutarde et de Sainfoin, via le processus d’application dit d’hydroseeding ou projection hydraulique. Ces plantes vont contribuer à ameublir le sol et éviter qu’il ne se tasse et ne soit lessivé sous l’effet des intempéries.

Que va-t-il se passer durant ces deux années de re-fertilisation ?

C.C. : Pendant les deux années qui viennent, les composts vont se dégrader lentement sous l’action des micro-organismes, ameublir les terres et libérer du carbone, de l’azote, du phosphore et du potassium, des éléments organiques essentiels dans l’alimentation du système racinaire des végétaux et à l’origine d’un bon développement des parties aériennes. C’est aussi toute une biomasse qui va se développer dans ces terres, avec un développement bactérien et mycorhizien important.

V.D. : Dès le printemps prochain, les plants de Phacélie, Moutarde et Sainfoin vont être fauchés. Les résidus de fauche seront laissés sur place afin qu’ils se dégradent. Pour ne pas laisser les terres nues et poursuivre leur enrichissement, après cette fauche, nous allons rapidement planter des semis de Trèfles blancs qui vont s’épanouir jusqu’à l’automne 2023 ; créant une couverture végétale qui empêchera l’ambroisie de se développer sur les talus. Le Trèfle blanc propose également un excellent pouvoir de fixation-libération d’azote. Sa couverture permettra d’attirer des « auxiliaires » (notamment de nombreux insectes polinisateurs, prédateurs ou détritivores qui jouent un rôle important dans la vie du végétal) au cœur du site USIN, entrainant un accroissement de la biodiversité.

Les merlons, de 1 m d’épaisseur, vont se dégrader durant deux ans afin d’obtenir une terre fertile.

C.C. : En parallèle, nous allons continuer à analyser régulièrement les sols afin d’apprécier l’évolution des micro-organismes et mesurer l’influence des différents types de compost sur cette évolution. Il s’agit d’une démarche d’expérimentation très novatrice pour un site industriel. C’est pourquoi les résultats obtenus seront synthétisés et pourront être partagés avec le monde agricole environnant, les entreprises du paysage, les urbanistes et les collectivités. L’enjeu est réel, car encore trop de pratiques détruisent le vivant dans les sols. On voit trop souvent sur des chantiers de travaux publics ou du bâtiment des process qui malmènent des sols au potentiel fertile ; c’est aussi le cas avec des procédés agricoles où le labour en profondeur de la terre s’avère tout aussi destructeur. Bilan : sont produits des sols stériles qu’il faut réanimer non sans peine.

Cathy Béclère : J’ajouterais qu’en tant qu’entreprise du paysage, le savoir-faire autour de la reconstitution des sols représente un enjeu majeur pour nous dans les années à venir. En effet, la terre est une ressource rare et coûteuse économiquement comme écologiquement : il faut aller la chercher loin des villes ce qui engendre des frais de transports et de la pollution en résultant. En plus, le décapage de sols dans les zones plus rurales réduit les espaces agricoles, notamment les cultures. Or, aujourd’hui, les élus et décideurs locaux souhaitent créer de plus en plus d’espaces verts sur leur territoire. Trouver des solutions alternatives et maîtriser l’art de la reconstitution des sols est donc d’ores et déjà fondamentale pour nos métiers de paysagiste. C’est pourquoi cette opération pour le site USIN vient compléter notre expertise dans la recherche de solutions d’avenir concernant les différentes méthodes autour de la reconstitution et la fertilisation des sols tout en respectant un circuit de production court et écologique.

Quels végétaux seront plantés à l’issue de cette re-fertilisation ?

C.C. : Les végétaux plantés à termes seront des essences rustiques, locales et capables de s’adapter à l’évolution du climat. La palette végétale a été composée conjointement avec l’atelier Anne Gardoni, architecte paysagiste en charge du volet Paysage du site USIN au côté de Nymphea. 1 100 plants sont déjà sur le site puisqu’ils proviennent de la ZAC Berliet, proche de 3 km, en cours d’aménagement par le groupe Nexity qui a accepté de nous les céder pour les sauvegarder. Une opération de re-transplantation en circuit-court parfaitement réussie puisque les plants, en pépinière depuis mars dernier, se sont très bien adaptés ; hormis les plus jeunes, victimes du gel tardif d’avril.  C’est pourquoi l’opération sera renouvelée cet automne afin de les remplacer.

Parmi les essences sélectionnées, nous retrouvons des érables, chênes, charmes, tilleuls, noisetiers et autres arbustes. La strate basse, elle, sera composée de vivaces, de couvre-sol et de prairies. Ces différentes hauteurs donneront naissance à des horizons variés, changeant au rythme des saisons. Avec leurs couleurs, leurs odeurs et aussi leurs sons. Un paysage à voir et à vivre pour les usagers du site USIN, mais pas seulement car toute cette végétation favorisera le développement d’une vie en surface avec la présence de micromammifères, d’insectes et d’oiseaux. Ils rejoindront USIN depuis le parc de Parilly voisin ou par le biais des nombreux corridors verts qui sillonnent les environs. Certaines essences seront plantées pour former des micro-forêts assez denses, abris parfaits pour accueillir toute cette biodiversité.

A terme, quelle cohabitation entre le végétal et l’activité productive ?

C.C. : Si le végétal sera très présent, apportant un environnement serein et agréable pour tous les collaborateurs du site – notamment depuis la terrasse du futur restaurant inter-entreprises qui sera l’endroit idéal pour en apprécier tous les bienfaits – sa délimitation est elle aussi très précise puisqu’elle ne doit pas nuire à l’activité productive du site. Son entretien sera par ailleurs minimaliste, pour rester dans une démarche de sobriété. Rien à voir avec les pelouses tondues à ras des parcs d’activité classiques, un non-sens écologique. USIN sert véritablement de démonstrateur dans ce domaine, animé par la volonté de partager les résultats de cette expérimentation novatrice avec le plus grand nombre par le biais de la Métropole de Lyon.

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