Au-delà de sa fonction, qu’est-ce que l’outil raconte de ceux qui font l’industrie ? Savoir-faire, fierté, relation au territoire… Des récits à découvrir à partir du 26 juin 2024 — date à partir de laquelle le boulevard Marcel Sembat, à Vénissieux, se transforme en terrain d’exposition pour les photos réalisées avec les industriels locataires d’USIN et les élèves du lycée professionnel Marcel Sembat. Tim Douet et Eva Sanchez, les deux photographes qui donnent vie au projet, reviennent sur cette initiative qui mêle habilement culture et industrie.
Photo : Tim Douet et Eva Sanchez
Les photos de l’exposition sont réalisées à la fois à USIN et au lycée professionnel Marcel Sembat. C’était un des partis-pris du projet ?
Tim Douet : Plus qu’un parti-pris, je dirais que c’est le point de départ. Les équipes d’USIN avaient déjà depuis quelques années l’envie de mener un projet avec le lycée Marcel Sembat qui, en plus d’être un de leurs voisins directs, assure des cursus techniques. Ce qui est totalement cohérent, puisque le site se positionne depuis le départ comme un lieu de découverte de l’industrie et porte la vision d’une industrie ouverte sur la ville. USIN nous a donc sollicités pour savoir si nous serions intéressés pour mettre en place un projet qui les associerait au lycée. Cette demande a été notre impulsion pour imaginer avec Eva une exposition autour des outils.
Eva Sanchez : L’outil est l’incarnation du savoir-faire. Il crée une passerelle entre toutes les parties prenantes – entre d’un côté, les professionnels qui exercent à USIN, au sein de groupes et de start-ups du secteur industriel, et de l’autre, les élèves du lycée, qui se forment à des savoir-faire techniques. Les photographies et les portraits sont l’occasion d’exprimer ce qui a suscité chez eux l’envie de pratiquer leur métier, les aspects de leur travail qui leur apportent de la satisfaction, la place du travail et du savoir-faire dans leur vie… Partir des outils, que ce soit un crayon à papier ou un tournevis, permet d’engager naturellement la discussion sur ces sujets.
Comment les participants ont-ils accueilli la démarche ? Que retirent-ils de ce projet photographique ?
E.S. À USIN, parmi les locataires, les professionnels qui se sont portés volontaires ont à cœur de s’engager au sein des actions collectives menées sur le site. Mais ils sont aussi très réceptifs à la démarche d’affichage dans l’espace public, qui permet de faire sortir l’industrie de l’ombre. Les photographies seront en effet exposées le long du mur d’USIN, sur le boulevard Marcel Sembat. De cette façon, elles contribuent à répondre aux questions de ceux qui passent quotidiennement à cet endroit et se demandent « qu’est-ce qui se passe de l’autre côté du mur ? » L’exposition ouvre une fenêtre sur les personnes qui y travaillent et leurs histoires.
T.D. Le lycée Marcel Sembat a très bien reçu notre demande. Les équipes pédagogiques ont envie de présenter de manière positive les métiers enseignés, l’apprentissage et leurs élèves — qui n’ont pas toujours le sentiment d’être dans des filières particulièrement valorisées d’un point de vue extérieur. Nos interventions ont été réalisées avec une classe de BTS et de CAP : une quinzaine d’élèves au total ont accepté que leurs photos soient utilisées pour l’exposition et affichées dans la rue, en grand format. Être immortalisés dans leur métier, par des photographes professionnels, avec une belle lumière qui les met en avant… Cela crée chez eux de la fierté.
Justement, pourquoi avoir choisi d’opter pour une exposition dans l’espace public ?
E.S. Pour nous, c’est un choix logique. D’abord car il concrétise la démarche de connexion entre USIN et son environnement : l’espace choisi pour afficher les photos n’est pas anodin, puisqu’il s’agit du mur qui appartient à USIN et se situe en face du lycée Marcel Sembat. Ensuite, car il illustre cette volonté de porter l’industrie « hors les murs ». Enfin, exposer dans la rue, c’est une manière d’inclure la ville elle-même dans ce récit collectif. La Ville de Vénissieux est d’ailleurs très attentive au projet. L’espace public est donc vraiment au carrefour des trois acteurs clés du projet : USIN, le lycée et le territoire.
T.D. La série de photographies va en effet s’articuler entre l’outil, l’humain et le lieu. Tout simplement car on ne peut pas créer une histoire sans apporter des éléments de contexte, notamment le contexte territorial, dont l’architecture et l’espace urbain sont des témoins. De plus, même quand l’exposition touchera à sa fin, au bout de quelques mois, notre travail aura permis d’immortaliser les savoir-faire dans le patrimoine du territoire — qu’il est souvent plus difficile de garder en mémoire que le bâti, par exemple.
Qu’est-ce qui vous a marqué plus particulièrement dans ce projet ?
T.D. Je pense que c’est le fait que nous n’avons pas eu deux histoires similaires, même quand les participants sont partis du même outil. Parmi les témoignages, je me souviens notamment de celui d’un des élèves du lycée, qui expliquait qu’il avait vu, quand il était petit, son père prendre un tournevis pour démonter leur télé et la réparer. Il a trouvé ça génial et celui lui a donné envie d’apprendre à s’en servir : aujourd’hui, il se forme pour devenir électricien. L’histoire est simple de prime abord, mais pour autant elle a une dimension universelle qui peut trouver un écho chez beaucoup d’entre nous.
E.S. Le processus déployé tout au long de la préparation de l’exposition a été très intéressant car il s’inscrit dans la durée. En amont du reportage photographique, nous avons réalisé plusieurs ateliers et des entretiens personnalisés avec les élèves. Cela nous a permis de nous imprégner du sujet, mais aussi de leur présenter le projet et de le construire avec eux. Il était important de nouer une relation de confiance. Pour cela, nous avons réalisé avec Tim plusieurs ateliers au cours du premier trimestre 2024, avec les classes mobilisées pour l’exposition. Cela a été une belle expérience.
Le vernissage de l’exposition « Outils sensibles » a lieu le 26 juin 2024 à partir de 17h45, dans la cour de la cité scolaire Sembat-Seguin (20 boulevard Marcel Sembat à Vénissieux).
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